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"La différence entre l'érotisme et la pornographie c'est la lumière". Bruce LaBruce
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mercredi 21 septembre 2016




Gaston Chaissac, 1910-1964. France










"J'ai beau être parvenu à brilloter avec mes brimborions qui pourtant ne doivent pas valoir un trio de brévicaudes mangeables et j'ai beau être aussi battologue que possible on me prend volontiers pour un bachacon." G. Chaissac








Robert Dosineau, Gaston Chaissac, dans la classe de sa femme,1952 à Sainte-Florence-l'Oie, Vendée, France.




Longtemps tenue pour marginale, l'oeuvre de Gaston Chaissac, dont on a dit qu'il était un " bricoleur de génie ", apparaît de plus en plus dans son originalité et son ampleur. Saluée en son temps par Jean Dubuffet, Jean Paulhan, Raymond Queneau et bien d'autres, elle a pu, vers 1946, s'apparenter à ce que Dubuffet a défini comme l'Art Brut. 

Une oeuvre d'une richesse foisonnante, étayée par une production littéraire abondante (poèmes et lettres) dont on se rend compte maintenant de l'importance et de la complexité. Chaissac démontre, dans le contexte de l'art des années 50, comment cette époque, à la suite de la conquête de l'art abstrait, a été soucieuse d'une expression libre et spontanée. Éclectique, inventive, intuitive, l'oeuvre de Chaissac ne peut mieux se définir, selon une expression de son auteur, que comme une peinture " rustique moderne "

L'art brut, défini par Jean Dubuffet (1901-1985) regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art, indemnes de culture artistique, œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d'asiles psychiatriques, autodidactes isolés, médiums, etc.). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétention culturelle et sans démarche intellectuelle.





Jean Dubuffet, 1979, par Sabine Weiss



Dubuffet redéfinira souvent l'art brut, cherchant à le distinguer de l'art populaire, de l'art naïf, des dessins d'enfants, créant même la « Neuve Invention » au sein de sa collection à laquelle il intègre également l'art singulier genre où se mêlent les « habitants paysagistes » et les « naïfs » rassemblés dans une exposition en 1978 au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Cette même exposition présentait « Les Marges de l'art populaire », « les Singuliers de l'art travaillent sans apprentissage, sans modèles hérités, ni savoir transmis, sans marché défini et ont fort peu à voir avec les artistes »
- Raymonde Moulin




L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on a faits pour lui; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom : ce qu'il aime c'est l'incognito, ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle.

J. Dubuffet






Jean Dubuffet - Passager au visage blanc,debout de la série Le Métro, 1943. Huile sur toile, 37  x 30 cm. Paris, centre Pompidou




Définition de l’Art Brut par Jean Dubuffet

« Nous entendons par là [Art Brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe ».

Jean Dubuffet, tiré de L’Art Brut préféré aux arts culturels, Paris, Galerie René Drouin, 1949.





Jean Dubuffet - Femme galante mains aux épaules, 1944. Gouache, 50 x 33 cm. Paris, centre Pompidou








Jean Dubuffet - D' hôtel nuancé d'abricot, 1947. Huile sur toile 116 x 89 cm. Paris, centre Pompidou








Jean Dubuffet - Paysage aux argus , 1955. Collage avec des papillons, 21,7 x 30 cm








Jean Dubuffet - Villa sur la route, 1957. Huile sur toile, 81,30 x 100,30 cm. Scottish National Gallery of Modern Art, Édimbourg








Jean Dubuffet - Série Paris Cirque.  1961








Jean Dubuffet - Houle du virtuel, 1963. Huile sur toile, 220 x 189 cm. Paris, centre Pompidou







Jean Dubuffet - Sculpture du cycle de l'Hourloupe (entre 1962 et 1974)








Jean Dubuffet - Le Réséda, Caisse des Dépôts, Paris 7ème






Gaston Chaissac








Gaston Chaissac est né le 13 août 1910 à Avallon dans une famille modeste, son père était cordonnier. Après une enfance bousculée par le divorce de ses parents, et une scolarité «courte et chétive», il commence à travailler comme apprenti dès l’âge de treize ans. En 1934, il ouvre une échoppe de cordonnier rue Mouffetard à Paris.

Il rencontre le couple d’artistes Otto Freundlich et Jeanne Kosnick-Kloss vers 1937. Ceux-ci l’encouragent à dessiner et se montrent très intéressés par ses premières œuvres. En 1938 a lieu sa première exposition personnelle, qui suscite la sympathie d’Albert Gleizes.






Forme rose aux yeux ronds, 1938. Gouache sur papier, 17 x 22 cm







Composition à une tête, vers 1939. Encre de Chine sur papier, 32 x 25 cm. Collection particulière



Lors d’un séjour dans un sanatorium en Dordogne, il rencontre, fin 1940, Camille, une institutrice, qui deviendra sa femme. En 1942, il est invité à Saint-Rémy-de-Provence par Albert Gleizes, qui lui fait une petite place dans son atelier où il rencontre, entre autres, André Lhote. Il gagne sa vie en travaillant chez un bourrelier.





Composition à un personnage, 1942. Aquarelle et encre de Chine sur papier, 28,5 x 17 cm. Collection particulière



Deuxième exposition parisienne en 1943, à la Maison des Intellectuels. Raymond Queneau et Jean Paulhan se montrent curieux de son œuvre. La même année, Camille Chaissac est nommée institutrice en Vendée, où le couple s’installe. Gaston Chaissac se consacrera désormais à ses activités littéraires et artistiques.





Sans titre, 1945. Encre, 31.5 x 24 cm. Collection de l’Art Brut, Lausanne








Sans titre, 1945-1946. Encre et crayon sur papier, 27 x 21 cm. MOMA, New York




C’est par l’intermédiaire de Jean Paulhan que Jean Dubuffet s’intéresse à l’œuvre de Chaissac en 1945. Il deviendra un correspondant privilégié et se portera très vite acquéreur de certaines œuvres.
Durant ces années d’après-guerre, Chaissac se fait peu à peu un nom dans le monde de l’art et multiplie les expositions.

Les lettres de Chaissac étonnent, amusent et circulent de main en main dans le milieu de La Nouvelle Revue Française. Il réalise ses premières peintures à l’huile. En 1947, il monte une exposition personnelle à la galerie L’Arc-en-Ciel à Paris, organisée par Paulhan et Dubuffet qui écrit la préface du catalogue.






Sans titre, 1947. Gouache sur papier, 49 x 63 cm







 Homme aux bras écartés, 1947. Gouache sur papier, 62 x 48 cm







Visage aux hachoirs, 1947-1948. Gouache sur papier canson marouflé sur contreplaqué, 64 x 48 cm .



À l’automne 1948, la famille Chaissac s’installe à Sainte-Florence-de-l’Oie (Vendée) où Chaissac continue à travailler malgré l’hostilité et les sarcasmes de ses concitoyens et une santé de plus en plus précaire. Il lit beaucoup et se tient au courant de l’activité artistique. Il écrit une importante correspondance et commence l'assemblages de vieilles souches de bois, véritables sculptures naturelles.

En 1949, il entreprend des tableaux de grand format qu’il signe « Chaissac le fumiste » et commence sa série de dessins à base d’écritures. C'est à cette date qu'on voit l'apparition des premiers tableaux « abstraits » qui représentent des bouquets pour la plupart.





Yvon le Baugeur, 1948-1950. Huile sur papier marouflé sur toile, 65 x 50 cm







Personnage féminin à deux têtes, 1949. Encre de Chine sur papier, 27 x 20,5 cm







Sans titre, vers 1949. Peinture laquée sur papier, 40 x 31.5 cm. Collection de l’Art Brut, Lausanne







Sans titre, 1950. Peinture laquée sur papier, 65 x 50 cm. Collection de l’Art Brut, Lausanne



En 1951, grâce au soutien de Jean Dubuffet, il publie Hippobosque au Bocage chez Gallimard, dans la collection «Métamorphoses» dirigée par Jean Paulhan. Il tient même une chronique régulière dans la prestigieuse NRF, de 1953 à 1960, dans laquelle il conte avec humour son quotidien en Vendée.












Composition abstraite, 1951. Huile sur papier marouflé sur toile, 63,5 x 48,5 cm







Dubonnet. Papiers collés et encre de Chine, 31,5 x 24 cm. Collection particulière







Composition à une tête, 1953. Encre de Chine sur carton imprimé, 24 x 19,5 cm







Grandes portes de bois peint, 1953. Peinture sur bois. Donation de Michael Werner au Musée d'art moderne de Paris







Ecuelle, vers 1955. Papier collé sur métal émaillé, 25 x 18 x 7 cm



À partir de 1959, sa santé se détériore progressivement. Il travaille sur des petits supports, notamment une série d’huiles gouachées sur carton ondulé et une série d’aquarelles et gouaches aux thèmes bibliques. Il réalise ses premiers totems.





 La Cène, 1959. Peinture sur plateau d'une table en bois. Musée des Beaux Arts de Nantes



1960 est l’année où les galeries commencent à s’intéresser sérieusement à son travail, mais ce début de reconnaissance décuple sa méfiance à l’égard des milieux de l’art.

L’école de Sainte-Florence doit fermer en 1961 forçant les Chaissac à retourner à Vix où ils s’installent définitivement. Grands collages à partir d’échantillons de papiers de tapisserie.






Personnage, 1960. Huile sur isorel, 121 x 71,5 cm. Collection particulière






Collage N°46, 1962. Papiers peints (tapisserie) collés et encre de Chine, 65 x 50 cm. Collection particulière






Composition à un personnage, 1963. Gouache et collage de papiers peints sur papier, 65 x 49,5 cm



En 1964, il bénéficie désormais d’une consécration internationale. Deux expositions sont organisées aux États-Unis, l’une chez Cordier et Ekström à New York, l’autre à Minneapolis.

Il meurt à l’hôpital de La Roche-sur-Yon le 7 novembre 1964, laissant une œuvre tant picturale que littéraire que l’on découvre encore aujourd’hui.






Composition, 1963. Encre de Chine sur papier, 50,3 x 65 cm







 Sans titre, 1963. Collection Michael Werner




Les Totems.




C'est à la fin des années 1950 que Gaston Chaissac réalisa ses premiers Totems, investissant ainsi son goût de la récupération de nouvelle et belle manière. Au totem tribal, il emprunta, non sans délectation, l'aura primitive: «Je continue de méditer sur les moyens d'amplifier mon primitivisme par la vie ultra-rurale», écrit-il en 1961 à la galeriste Iris Clert, après avoir réalisé un important ensemble de ces personnages de bois peints. Car le totem chez Chaissac n'est guère animal - encore moins végétal -, contrairement à son cousin amérindien ou océanien. 









Non, il est résolument anthropoïde, prenant parfois les traits de membres de son entourage, attestant encore de son obsession pour la figure humaine, présente dans toute son oeuvre. L'amour de Chaissac pour le matériau fruste s'illustre remarquablement dans cette série, la plupart des totems étant fabriqués à l'aide de grossières planches de bois (plus rarement de zinc), matériau naturel donc, et travaillé de manière artisanale, deux qualités essentielles à ses yeux. Tous sont planes et hiératiques - caractéristiques que l'on retrouve dans sa peinture où la forme humaine, souvent dressée, souvent simplifiée, souvent recomposée, est toujours traitée en aplats colorés. (Cornette de Saint Cyr)





 

Huile sur bois. Musée d'Art Moderne de Paris








Totem double face, 1961. Huile sur les deux faces d'une planche de bois découpée. Paris, centre Pompidou







Totem N°5, 1957. Huile sur bois, 109 cm. Collection particulière







Totem, 1960. Huile sur bois, 206 x 32 X 7 cm 
















Totem double face, 1961. Huile sur les deux faces d'une planche de bois découpée. Paris, centre Pompidou







Y a d'la joie ou Anatole, vers 1960. Huile sur planche de bois, 194 x 29 cm




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